Des courriers de 2007, liés à une enquête administrative mettant en cause des employés, laisseraient entendre que de hauts fonctionnaires auraient eu accès à des éléments de la procédure judiciaire, ce qui est illégal.
De hauts fonctionnaires ont-ils trahi l'intangible secret de l'enquête? C'est l'une des questions au cÅ?ur de l'affaire qui secoue la police des polices parisienne. L'inspection générale des services (IGS) est soupçonnée d'avoir injustement mis en cause, courant 2007, cinq fonctionnaires de la préfecture de police (PP) lors d'une enquête sur un trafic présumé de titres de séjour.
Notamment saisis pour « violation du secret de l'instruction », les juges d'instruction chargés de faire la lumière sur ce dossier cherchent à déterminer si de hautes personnalités de la PP, parmi lesquelles son patron, Michel Gaudin, ont eu accès au contenu des procédures judiciaires en cours. Leur but supposé : justifier les demandes de suspension ou de sanction des fonctionnaires mis en cause sans attendre le résultat des investigations. Une pratique illégale.
Cette accusation se base sur des courriers signés par Michel Gaudin et Claude Bard, alors numéro trois de l'IGS. Dans ces documents, auxquels nous avons eu accès, le préfet de police et le commissaire divisionnaire proposent de suspendre quatre des cinq employés de la préfecture en s'appuyant sur leurs gardes à vue menées la veille. « M. Bruno Triquenaux (NDLR :l'un des fonctionnaires alors soupçonnés) a reconnu avoir délivré des attestations mensongères d'hébergement à des étrangers », peut-on lire dans une lettre signée par Michel Gaudin en date du 20 décembre 2007. « Mme Nicot (NDLR : une autre employée) a reconnu avoir favorisé, de sa propre initiative et sans contrôle de sa hiérarchie, l'attribution ou le renouvellement de titres de séjour à des personnes en contrepartie de cadeaux », affirme une autre demande paraphée par Claude Bard, le 2 juin 2007.
Dans une interview au « Monde », le préfet de police Michel Gaudin a assuré s'être appuyé sur un rapport administratif de 2006 â?? au terme duquel Bruno Triquenaux avait écopé d'un blâme après avoir statué sur des dossiers sans en référer à son supérieur â?? pour proposer cette suspension.
« Ce document prouve que c'est inexact, souligne Me Lepidi, l'avocat des fonctionnaires mis en cause à l'époque. Il est fait mention noir sur blanc de cette garde à vue et des déclarations qui auraient été faites durant celle-ci, alors que M. Gaudin n'était pas censé en avoir connaissance. De plus, M. Triquenaux n'avait aucune raison de se confier à quiconque hors procédure. »
Des « aveux » qui par ailleurs se révéleront en réalité faux, comme l'a souligné la cour d'appel de Paris dans une décision de non-lieu de janvier 2011. « La présomption d'innocence de mes clients a été bafouée, poursuit Me Lepidi. L'IGS montre également qu'elle est peu respectueuse de la séparation des pouvoirs : c'est à la fois elle qui mène l'enquête judiciaire et administrative. » Entendu le 15 décembre par un juge d'instruction sous le statut de témoin assisté, Michel Gaudin a nié avoir eu connaissance de la procédure judiciaire en cours lors de la signature de la demande de suspension de Bruno Triquenaux. Claude Bard, promu depuis à la tête de l'IGS, n'a, lui, toujours pas été entendu dans le cadre de ces enquêtes.